Comment gérer
les problèmes d'alcool au bureau
Avec un collaborateur alcoolique, la
pire attitude serait de se voiler la face. Sachez réagir avec tact mais sans
complaisance.
L’alcool ne tue pas toujours lentement.
Il est à l’origine de près de 20% des accidents du travail et de 45% de ceux
entraînant un décès (source : cabinet Hassé-Consultants, spécialiste de l’alcoologie en
entreprise). L’absentéisme, les arrêts de travail, les conflits engendrés par
l’éthylisme coûtent aux entreprises environ 1,5% de leur masse salariale. Le
phénomène touche environ 8% des salariés (dont 60% d’hommes), et concerne tous
les secteurs. C’est la raison pour laquelle le ministère du Travail a édité, en
janvier dernier, un guide sur la prévention des
risques liés à la consommation d’alcool et de drogues .
Objectif ? Donner aux managers des clés pour mieux gérer ce type de
pathologie. Voici celles que vous devez connaître.
Identifiez les signaux
avant qu’il ne soit trop
tard
Pas toujours facile de détecter un cas
d’alcoolisme ! Le plus souvent, en effet, le collaborateur concerné
dissimule son addiction : il se parfume ou se brosse les dents à longueur de
journée, trouve des excuses tarabiscotées pour
justifier ses retards. Mais
certains signes ne trompent pas : une réputation de «bon vivant porté sur la bouteille», un
visage marqué, une main qui tremble, des disparitions inexpliquées, des
débordements relationnels… La réaction la plus tentante est alors d’ignorer le
problème tant que le travail est fait et de compter sur le reste de l’équipe
pour pallier d’éventuels dysfonctionnements.
Faire ainsi l’autruche est évidemment
risqué, car l’entreprise doit «assurer la sécurité et protéger la santé physique
et mentale des salariés» (code du travail, art. L. 4121-1). Elle a même sur ce
point une obligation de résultat. Autrement dit, si un ouvrier en état
d’ébriété se blesse gravement ou si un commercial renverse un piéton à la suite
d’un déjeuner professionnel, elle peut être tenue pour responsable (a fortiori
si les victimes apportent la preuve que l’addiction du salarié était connue de
son employeur). Pour identifier les collaborateurs en danger, certaines
sociétés (Vinci, Saint-Gobain, Maaf…) ont monté des groupes de réflexion et
désigné des salariés-relais qui ont pour mission de détecter et de signaler les
problèmes d’alcool au bureau.
Inutile de le nier : le problème est complexe et ne se résout pas d’un
claquement de doigts. «Le choix des mots est crucial, remarque Patrick Buchard,
fondateur et dirigeant de Hassé-Consultants. N’employez jamais le terme
“alcoolique”, trop dégradant.» Préférez les périphrases comme «Vous avez
peut-être un problème avec l’alcool.»
Attendez pour aborder le sujet que le salarié soit lucide :
éméché, il pourrait réagir avec agressivité. Restez sur un terrain factuel : «A
22 heures,
vous avez décroché votre téléphone pour insulter plusieurs clients. D’autres
incidents m’ont été rapportés par le passé. Il s’agit soit d’un problème
psychique lourd, soit de la conséquence d’une emprise alcoolique. Je penche
plutôt pour la seconde hypothèse.»
Questionnez-le sur ce qui ne va pas dans son travail (évitez
le terrain de la vie privée, il l’abordera probablement de lui-même). S’il
évoque un mal-être professionnel, voyez si vous n’êtes pas en mesure
d’améliorer sa situation (changement de poste, formation…). Mais ne croyez pas
pour autant que le problème est réglé : même si les causes ont été traitées, l’addiction, elle,
perdure lorsqu’on ne la soigne pas. Dans un premier temps, proposez au salarié
une simple rencontre avec un médecin du travail. Il ne faut pas donner l’impression
d’être trop directif. «L’objectif est de l’amener à reconnaître le problème et
à vouloir trouver une solution», souligne le docteur Philippe Rodet, dirigeant
du cabinet Bien-Etre et entreprise. Dans les
semaines qui suivent,
tâchez d’obtenir qu’il s’engage à suivre un plan d’action (qu’il est libre de
refuser) au cours d’un entretien, idéalement en présence du DRH.
Un suivi efficace passe par un travail d’équipe :
prévoyez donc des entretiens réguliers avec le DRH et le médecin du travail.
Eventuellement, mettez dans la boucle un cabinet de coaching
(Hassé-Consultants, Restim, Alpa Consultants…). L’investissement est élevé (de
10 000 à 15 000
euros en moyenne), mais il peut vous épargner le coût d’un licenciement.
L’accompagnement du collaborateur est alors assuré pendant quatre à six mois :
sevrage, stabilisation, réinsertion au poste de travail par des consultants et
des médecins, avec mise à disposition d’une hot line disponible tout au long du
traitement. Ensuite, un contrôle régulier pendant un an est souhaitable.
Gérer un collaborateur alcoolique ne s’improvise pas. Afin
d’éviter des erreurs managériales ou juridiques, il peut être judicieux de
suivre une formation spécialisée. Vous apprendrez, par exemple, à conduire des
entretiens mensuels avec l’intéressé en vous focalisant sur son comportement et
son travail, et sans aborder le détail de
son traitement médical, théoriquement confidentiel.
Attention : un
mi-temps thérapeutique (prescrit uniquement par un médecin) est souvent
contre-productif. Selon Patrick Buchard, un alcoolique en phase de guérison
replonge plus facilement quand il ne travaille pas.
Faute d’amélioration substantielle au bout de six mois,
évoquez en présence du DRH la possibilité d’une séparation. La peur de perdre
son emploi peut inciter le salarié
à fournir des efforts salutaires. N’invoquez pas directement
l’alcoolisme, mais appuyez-vous sur les fautes professionnelles commises :
propos de nature à ternir l’image de l’entreprise, travaux rendus hors délai,
refus d’obéissance, objectifs non atteints, absences injustifiées… Et gardez en
tête cette méthode, car elle pourra un jour vous servir pour lutter contre un
autre fléau en forte progression depuis 2005 : la consommation de cannabis. Près de 5% des hommes, entre
15 et 64 ans, en feraient un usage régulier.
Sandrine Weisz
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