"Guérir" de
l'alcoolisme : le Baclofène, pilule miracle ou illusion ?
LE PLUS. Le cardiologue
Olivier Ameisen dit avoir sauvé des centaines de personnes de l'alcoolisme
grâce au Baclofène, médicament initialement utilisé comme relaxant musculaire. Pierre Veissière, psychologue et auteur de l'essai "Kit
de secours pour alcoolique" (Grrr...art éditions), juge quant à
lui que le Baclofène n'est pas la pilule miracle et qu'il ne faut pas
stigmatiser l'abstinence.
Je comprends que les fans du Baclofène piaffent en
sachant qu'il leur faudra attendre, au mieux, encore un an et demi avant de
connaître le verdict de l'étude lancée pour tester son efficacité et, si le
résultat est probant, pour qu'il soit prescrit, licitement, avec une posologie
augmentée.
Cette durée ne me paraît pas choquante puisque le
médicament doit faire ses preuves, en efficacité, innocuité relative des effets
indésirables, maintien de la mythique nouvelle sobriété promise sur un laps de
temps suffisamment long pour être significatif et absence d'aggravation de la
qualité de vie.
Les prudents, qui croient au miracle, attendront la
sentence. Les audacieux pourront toujours assiéger leur médecin et tenter, à
leurs risques et périls, de s'en faire prescrire immédiatement.
Le Baclofène, possible pilule
miracle
Si la simple absorption d'un médicament permet de
supprimer l'angoisse, la dépression, l'envie irrépressible de boire,
l'essentiel du mal-être, et de retrouver un être vivable, en pleine possession
de ses moyens, "comme neuf", il ne faudrait surtout pas s'en priver.
Il est possible que le Baclofène soit une pilule miracle pour une certaine
catégorie de patients. Et tant mieux.
Mais attention au miroir aux alouettes !
L'alcoolodépendant qui veut s'en sortir fait des multitudes d'expériences, essaie
des médicaments, des médecins, des techniques et, le plus souvent, avec ses
trucs, sa volonté, inlassablement, essaie de s'en sortir seul. Ça ne marche
pratiquement jamais, durablement.
La chimie peut aider, mais elle ne peut pas suffire,
dans une affection qui n'est pas seulement physique mais aussi psychologique,
psychosociale, voire spirituelle, à soigner, a fortiori à "guérir",
cette sorte de maladie.
Fétichisme du verre d'alcool
de temps en temps
Avec le Baclofène, une promesse curieuse semble faite
: les anciens patients pourraient boire un verre de temps en temps, sans
conséquence, c'est-à-dire sans rechuter dans la dépendance. Il me paraît
surprenant que la possibilité de prendre un verre et de s'arrêter puisse
séduire longtemps un alcoolique. Mais il y a peut-être à mettre à jour une
sous-population d'hybrides.
Car, pour l'heure, la possibilité de reboire
impunément est totalement exclue par les alcooliques membres des associations
d'entraide, et par la majorité des alcoologues qui prennent la peine de
vérifier si le patient est dépendant ou pas. Les rechutes peuvent être
dramatiques, mortelles, et les rares personnes qui arrivent, vaguement, à
"gérer" ont une qualité de vie peu enviable.
Le fétichisme sur un verre d'alcool de temps en
temps est étrange. Pour quoi faire ? Pour paraître "normal" ?
Socialement normal, mentalement normal ? Pour se le faire croire ? Une coupe de
champagne : pour le goût ? pour l'effet psycho-actif ? comme cache-misère pour
refuser de passer pour un alcoolique démasqué par son abstinence ?
Accepter de ne plus boire
impunément
Ce qui sauve le mieux les alcoolodépendants, ce qui
leur permet de recouvrer ou de découvrir une véritable qualité de vie est
d'admettre leur nouvelle condition. Un alcoolodépendant a perdu, définitivement,
sa capacité à contrôler sa consommation d'alcool, et ne peut plus désormais
boire impunément. Comprendre et accepter ceci, puis désirer stopper toute
consommation d'alcool, est la seule exigence de base pour commencer à s'en
sortir.
La conduite la plus payante pour un alcoolodépendant
est de s'abstenir d'alcool, de ne pas rester seul, et de se faire aider en
allant s'insérer dans un groupe d'entraide.
Le malade classique n'en a aucune envie, l'évolution
de l'alcoolisme impliquant un repli sur soi. Mais les faits parlent d'eux-mêmes
: au bout d'un an, les deux tiers des gens qui ont acquis ou maintenu une
abstinence sont ceux qui fréquentent un groupe. S'ils continuent à voir leur
médecin, ou font une psychothérapie, ils consolident.
Cette façon de se soigner est immédiatement
accessible. Pas besoin d'attendre les conclusions d'une étude sur le Baclofène
sauveur. Les centres de soin, les réunions des associations existent. On peut
se faire aider efficacement tout de suite.
À défaut d'éviter les 120 morts quotidiens
immédiatement, on peut commencer à atténuer, notablement, les désastres
individuels et familiaux. Mais si on veut continuer à boire, ou attendre le
salut d'une pilule miracle, seul dans son coin, ce sera plus hypothétique.
Hors alcool
Il faudrait aussi arrêter de diaboliser l'abstinence
et d'idolâtrer le prétendu "craving".(Le craving est une impulsion à rechercher le produit et à le consommer
de façon compulsive.)
L'envie de boire est une torture permanente uniquement si l'on n'a pas admis l'évidence de son nouvel état. Quand on veut, plein de superbe, continuer à régenter son destin de buveur d'alcool déchu. Mais ceux qui acceptent la principale nécessité de leur condition, apprennent à éliminer les stress, cessent d'être dans la nostalgie et dans la peur du qu'en dira-t-on, entament une vie nouvelle. Ceci demande un peu de courage et de travail, mais les fondations sont plus solides.
L'envie de boire est une torture permanente uniquement si l'on n'a pas admis l'évidence de son nouvel état. Quand on veut, plein de superbe, continuer à régenter son destin de buveur d'alcool déchu. Mais ceux qui acceptent la principale nécessité de leur condition, apprennent à éliminer les stress, cessent d'être dans la nostalgie et dans la peur du qu'en dira-t-on, entament une vie nouvelle. Ceci demande un peu de courage et de travail, mais les fondations sont plus solides.
Les pourcentages de rechute allégués par les
militants du Baclofène sont aberrants et sans doute fondés sur une partie de la
population qui se trompe dans le suivi des soins : il y a beaucoup de gens qui
ne rechutent jamais, qui ont cessé de boire de l'alcool depuis des dizaines
d'années, et qui vivent comme des papes. Ils ont cessé de se polariser sur
cette obsession d'absorption d'alcool, se sont soignés, en particulier avec
leurs semblables, et vivent maintenant complètement hors alcool.
Il peut, Dieu merci, y avoir autre chose dans la vie
que de picoler et de souffrir !
psychosociologue
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire