hospitalisation dûe à l'alcool

hospitalisation dûe à l'alcool

mardi 20 mars 2012

LE DENI


DU DENI FREUDIEN A L’APSYCHOGNOSIE
De FOUQUET

 Myriam KOZLOWSKI, psychologue


* Etat psychopathologique lié à une surconsommation régulière d'alcool, présentant au premier plan une perte d'introspection et une diminution notable de la qualité des relations sociales, associées à des troubles de la mémoire et de la vigilance.

Décrit dans les années 1960 par Fouquet, l'apsychognosie désigne avant tout un appauvrissement du sens critique, et surtout auto-critique, suivant la consommation régulière d'alcool. Cette absence d'introspection se traduit par la non reconnaissance par le patient, de l'état morbide, intellectuel et relationnel, dans lequel l'ont plongé des années de consommation excessive.

Selon Fouquet, le début de l'alcoolisation ne présente pas cet état, l'alcoolique ressentant cette alcoolisation comme honteuse. Au fur et à mesure de l'habituation, et de manière à protéger son estime de soi, l'alcoolique tente de se réguler et estime sa consommation normale. Les difficultés liées à l'intoxication chronique, en plus de la glisse progressive des repères personnels permettant de juger la consommation comme excessive, amènent l'alcoolique à ne plus reconnaître son propre état, ses difficultés relationnelles, sa baisse globale des fonctions intellectuelles et cognitives.

Le déni a été décrit, à l’origine, par FREUD pour désigner un mode de défense dans les psychoses et les perversions.

Le terme de « déni », au sens psychanalytique, concerne un refus de reconnaître la réalité d’une perspective traumatisante qui, si elle se rapporte au « complexe de castration » ne se résume pas exclusivement à lui (« je sais bien, mais quand même »).
Rappelons la différence avec la dénégation, mécanisme de défense du champ névrotique (« j’ai rêvé d’une femme, mais ce n’était pas ma mère »…) qui relève du refoulement.
Le déni représente un système d’opérations défensives se rattachant au clivage maintenant hors du champ de la conscience, des perceptions, pensées sentiments contradictoires.
Le déni peut, somme toute, concerner autant la réalité externe que la réalité interne et celle donc du fonctionnement psychique ; ainsi, la clinique de la maladie alcoolique montre généralement que le refoulement manque à ces patients qui utilisent le déni, mécanisme psychique plus coûteux et qui convoque le clivage, comme corollaire dans le fonctionnement psychique.


LE CONCEPT DU DENI CHEZ LE MALADE ALCOOLIQUE

Le déni est un mécanisme de défense qui consiste à nier, contre toute évidence, l’excès d’alcool, mécanisme inconscient consistant à ne pas voir ce qui est insupportable (« la dépendance à l’alcool, être alcoolique ») écrivait le docteur FOUQUET.
Il existe une composante interactionnelle du déni qui vient s’ajouter à sa définition strictement psychanalytique. Chez le malade alcoolique, le déni concerne la perte de contrôle par rapport à la consommation, le déni de souffrance (la sienne, la souffrance familiale et plus généralement le déni du rôle de l’alcool en général dans chaque problème).
Il existe une échelle du déni élaborée par Green et Goldsmith (1988).
Concernant le déni, plus spécifique à la maladie alcoolique, le docteur FOUQUET a décrit l’apsychognosie comme l’état résultant d’une éthylémie permanente, provoquant une perte de la capacité de se juger et de s’apprécier par rapport aux autres.
La perte de la perception de soi s’associe à un déni de la temporalité du sujet avec maintien des apparences, une pseudo-adaptation qui peuvent rester longtemps réversibles.
Ainsi, la prise en compte progressive et spécifique du déni, en tant que fait pathologique, a marqué un tournant fondamental dans la clinique relationnelle en général. L’idée que le travail autour du déni, en tant qu’entrave aux soins, est le principe élémentaire de la prise en charge thérapeutique du malade alcoolique (parallèle à faire avec le destin du transfert aux temps pionniers de la psychanalyse). Le docteur VACHONFRANCE se référait à la notion d’aliénation, le malade alcoolique comme étranger à lui-même (ALIEN), aliénation aux autres, au temps, à sa propre réalité, à sa maladie, à sa guérison, à sa mort.

LES DIMENSIONS DU DENI

Essayons de repérer les manifestations du déni de la maladie alcoolique tant au niveau de la clinique symptomatique que de la clinique relationnelle.

2.1. Déni de la consommation d’alcool en tant que telle
Dimension symptomatique du déni tellement banalisée mais cependant très destructrice dans la relation déclenchant contre-attitudes et réaction de rejet (recours à la recherche de preuves (alcoolémie, bilan sanguin)) « je ne bois pas, jamais d’alcool ».

2.2. Déni de la quantité absorbée
Une étape paraît parfois franchie par cette acceptation relative de la réalité de la consommation, mais c’est un nouveau moyen d’évitement car le patient recourt à la minimisation ou la banalisation « juste un verre au moment du repas ».

2.3. Déni de la maladie alcoolique tant sur le plan de l’atteinte somatique que psychique
(anosognosie et asomatognosie)
« Je bois comme tout le monde, cela ne peut pas faire de mal ». Ceci pour être comme tout le monde (docteur MAISONDIEU).

2.4. Déni de la dépendance alcoolique
« Je pense m’arrêter si, ou quand je le veux ». Il s’agit d’un aspect fondamental du déni qui persiste même à un stade avancé de la prise en charge (malgré sevrages et cures suivis de rechutes). Ce déni constitue peut-être une étape clé des résolutions de la relation patient – thérapeute lorsqu’il tend vers sa réduction.

2.5. Déni du corps
Dans son versant somatique (asomatognosie)
Déni de la dégradation physique, des complications somatiques de la maladie alcoolique, déni du risque vital.
Cet aspect du déni correspond souvent à une attitude de toute puissance avec répétition des conduites à risque.

2.6. Déni du corps dans son versant libidinal (image du corps en tant qu’investi par la psyché)
Se taduisant tant par le manque de soins fondamentaux apportés au corps (incurie) que par un déni de la sexualité.

2.7. Déni de la temporalité
Avec difficultés à retracer l’histoire chronologique et déni des antécédents familiaux.

2.8. Déni de la subjectivité
Qui s’exprime de la perte identitaire, la déresponsabilisation, le On à la place du Je. La subjectivité se trouvant projetée sur l’alcool « je n’y peux rien, c’est l’alcool ».

2.9. Déni du fonctionnement psychique
( Apsychognosie de Fouquet)
Perte de l’intérêt pour l’activité psychique, pour la vie affective et fantasmatique et s’approche des tableaux cliniques de la pensée opératoire ou de l’aléxythimie.
Le déni du fonctionnement psychique trouve une autre dimension pathologique dans le déni du retentissement psychique de l’alcoolisme qu’il s’agisse d’anxiété, de troubles des conduites, de dépression (je n’ai pas de problèmes).

2.10. Déni de la réalité sociale
Au sens large, tant dans son déterminisme sur la pathologie alcoolique (contexte socio- affectif, évènement traumatique) qu’à l’inverse dans l’impact de l’alcoolisme sur l’environnement du patient et ses liens avec lui.
Dans le même registre, déni des conséquences familiales (conflits, violences, incestes), sociales (marginalisation, infractions, délits, dangerosité) et professionnelles de l’alcoolisme (ce n’est pas à cause de l’alcool que j’ai perdu mon travail).
Cette énumération n’est évidemment pas exhaustive, elle témoigne des différents niveaux psychiques sur lesquels opère le déni et cherche à mettre en évidence la complexité des mécanismes, enjeu des territoires psychiques concernés.
Le déni est variable, fluctuant, sujet à des apparitions et des disparitions, au gré de la dynamique relationnelle du patient et du thérapeute, et avec son entourage.
La prise en charge du patient malade alcoolique gagne à être évaluée en fonction de la place et de la qualité du déni qui s’instaure et évolue dans la dynamique de la relation soin.
On ne peut bien sûr pas le maîtriser, mais on apprend à mieux le repérer, l’explorer dans ses diverses dimensions et ceci, dans une visée d’évaluation diagnostique et pronostique, aussi pour tenter de relancer le travail relationnel au-delà du discours répétitif porteur d’échec.
Rechutes co-conséquence de l’échec de la sortie du déni

LES DIFFERENTES RECHUTES

A. Les fausses rechutes
Elles concernent des patients qui sortent de cure et qui n’étaient pas engagés réellement dans un processus de soin. La cure était plutôt envisagée comme un prétexte de remise en forme. La reprise de l’alcoolisation n’est pas étonnante dans un contexte où le patient a fait une cure sous la pression de la famille ou du travail, ou encore sous contrainte judiciaire.
B. Les rechutes dites « sèches »
C’est le cas de patients qui continuent à boire dans leur tête. Le processus de deuil de l’alcool n’est pas entamé. Sa tenue « sans alcool » s’effectue dans une tension permanente « tenir le coup ». L’alcool reste encore trop valorisé comme moyen privilégié de gérer et résoudre les tensions. Il reste l’objet magique qui vient répondre à toutes les situations redoutées par le patient ou qu’il s’estime incapable de gérer.
C. Les rechutes symptômes
Le patient a été demandeur de cure par un véritable dégoût de son existence où l’alcool était désigné comme seul responsable de sa souffrance. La suppression de l’alcool est une réalité nécessaire mais non suffisante. La rechute est le symptôme des difficultés du patient à réorganiser sa vie sans alcool.

D. Les rechutes « Test »
Le patient explique qu’il tient à tester la maîtrise du produit. Ce type de ré-alcoolisation est vécu dans la honte et dans la culpabilité et peut entraîner un syndrome dépressif réactionnel avec possibilité de passage à l’acte suicidaire.
Cependant ce sont des rechutes très fréquentes qui, si elles sont prises à temps, peuvent permettre d’accéder à l’intégration de l’abstinence en travaillant sur la nature du déni même, de la réalité de la dépendance. D’où l’importance de l’étayage, en particulier celui réalisé par les Mouvements d’Anciens Alcooliques.

E. Les rechutes « masochistes »
Considérées comme équivalentes aux suicidaires.

F. Les rechutes répétitives
Ce sont celles qui nous interpellent le plus. Les sujets alternent entre abstinence et rechutes. Il s’agit de patients qui ont pris pleinement conscience de leur alcoolo- dépendance, ont intégré l’abstinence totale et définitive comme la garantie d’une évolution personnelle avec les recommandations alcoologiques proposées : thérapies, soins, associations, engagement dans le travail de thérapie. On voit donc apparaître une contradiction entre différents niveaux de la personnalité.

- Deux logiques qui s’opposent qui suggèrent la mise en œuvre de phénomènes en grande partie inconscients qui court-circuitent cette élaboration. La compulsion de répétition, qui met en échec un véritable changement du fonctionnement psychique.
Ces ré-alcoolisations convoquent l’existence de plusieurs facteurs :
- Les facteurs individuels
- Les facteurs liés à l’environnement

Interactions qui mettent en lumière les phénomènes de co-dépendances.
G. Les facteurs individuels
Il s’agit souvent de troubles de la personnalité profonde de dépressions ou autres. L’alcool joue une fonction de régulation dans l’organisation psychique du sujet.
Ces dysfonctionnements de personnalité amènent ces patients à être pris en charge d’une façon globale : cure, postcure, groupes, psychothérapie visant à restaurer la personnalité.
Soulignons l’importance de la régularité et de la fixité du cadre thérapeutique. (du côté des soignants, peut-être ne pas répéter ainsi les mêmes prises en charge, rechutes immédiates, cure rapidement après, rechute, re-cure …).
Il faut savoir passer la main, savoir attendre, travailler non pas dans « l’AGIR » et le tout
« tout de suite » mais sur une élaboration mentale secondaire, pour ne pas renforcer les répétitions.

H. Les facteurs liés à l’entourage
Il est important de repérer les facteurs liés à l’entourage qui pourrait favoriser ou jouer un rôle déterminant dans ces ré-alcoolisations récidivantes dans une visée systémique.
Dans certains milieux professionnels sous pression, l’alcoolisme de l’un est le garant du bon fonctionnement des autres.
Dans la famille, le malade alcoolique peut être mis en place du bouc émissaire, étant rendu responsable de tout ce qui ne va pas au sein de la famille (confère la notion de système).
Le malade alcoolique peut trouver dans sa situation des bénéfices secondaires, car le
malade alcoolique dans la relation d’aide ou assisté, aidé, suscite de l’intérêt (confère, personnalités déprimées ou immaturité). Il sait que son symptôme pourra lui apporter aide, réconfort, sur le plan social ou médical. Renforcement chez le soignant ou la famille du sentiment d’être utile.
Peut-être aussi le patient cherche-t-il à communiquer à travers l’alcool ?
- Son agressivité,
Veut-il tester l’amour de l’autre.
« Méta- communiqué » ?
Les rechutes multiples du malade peuvent être, en quelque sorte, l’écran d’un dysfonctionnement familial ou d’un groupe social.
C’est aussi le témoin de la force des relations de co-dépendances grâce auxquelles l’entourage a réussi à préserver le sentiment de son identité, résistance au changement, comportements pervers inconscients pour réintroduire l’alcool dans la vie du patient.
Une ré-alcoolisation est toujours grave et redevient matière à réélaborer la place et le degré du déni.
La rechute peut être considérée comme une étape (si on prend le soin d’en analyser le
sens) dans une progression logique dans la construction de l’abstinence.

Penser toujours au traitement, les groupes psychothérapeutiques et thérapie familiale.




Aucun commentaire:

FORUM des associations 2014

Rendez vous à la salle des Ursulines le samedi 6 septembre


L'alcool, cet ennemi destructeur

La drogue qui fait peur, c'est toujours celle de l'étranger. On s'inquiète du cannabis ou de l'héroïne, on oublie les ravages que peut faire l'alcool. Pour les jeunes de tous milieux, c'est de la défonce à pas cher. L’alcoolisme n’est pas une maladie solitaire. Notre société tolère mal l’alcoolémie de la femme. Il en résulte un sentiment de culpabilité très fort qui amène l’isolement ou l’exclusion de la femme dans son milieu familial social et professionnel. Quand une personne sombre, c’est tout l’entourage qui plonge avec elle.

Bonjour, nous sommes le

«La seule limite à notre épanouissement de demain sera nos doutes d’aujourd’hui.»

(Franklin ROOSEVELT)