hospitalisation dûe à l'alcool

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jeudi 29 avril 2010

Un Nouveau Médicament?




Alcoolisme : et si l'abstinence n'était pas la seule option ?


L'alcoolisme touche 5 millions de Français et en tue 45 000 par an. Il a aussi changé de visage avec des consommations excessives intermittentes, mais une réelle dépendance. Face à ce fléau, un médicament permettrait de réduire sa consommation au coup par coup. Addictologue à l'hôpital Beaujon (Clichy), le Dr Philippe Batel nous en dit plus sur ce bouleversement de la prise en charge jusqu'alors centrée sur la seule abstinence.




Doctissimo : Lorsqu'on entend "alcoolo-dépendance", on a encore l'image d'une personne désocialisée avec de nombreux symptômes extérieurs…


Dr Philippe Batel : Le profil de l'alcoolo-dépendance a changé. Lorsque j'ai débuté ma carrière, la majorité de mes patients avait une consommation excessive quotidienne. Aujourd'hui, ces profils ne représentent plus qu'un tiers de mes consultations.


Les consommations excessives sont aujourd'hui plus intermittentes, souvent limitées à quelques jours dans la semaine - principalement le week-end. J'ai ainsi de nombreux patients qui constatent : "Le vendredi soir, j'ai envie de boire et je n'arrive plus à m'arrêter". Cette évolution implique aujourd'hui un changement de la prise en charge.


Doctissimo : Quelle est la prise en charge pour les patients alcoolo-dépendants ?


Dr Philippe Batel : La prise en charge repose aujourd'hui sur un programme soins qu'on ne veut pas standardisé mais au contraire adapté au patient. Schématiquement, on peut distinguer trois étapes :


  • Définir un objectif à atteindre avec le patient. Grâce à une technique relationnelle - "l'entretien motivationnel" -, les soignants formés travaillent avec le patient sur sa capacité à changer. Certains sont dans une situation ambivalente, pris entre la volonté d'arrêter et l'appréhension de s'engager dans une telle démarche ;
  • Etablir un programme de soins basé sur les capacités du patient. Si l'abstinence reste l'objectif théorique idéal ; dans la pratique, ce n'est pas toujours le cas. Ainsi, on peut établir dans un premier temps avec le patient un objectif de réduction de la consommation, qui peut être une étape vers une abstinence totale mais pas seulement, puisqu'on estime aujourd'hui que 20 à 30 % d'entre eux auraient la capacité de s'autoréguler sur le long terme ;
  • Maintenir cet objectif tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Il faut anticiper pour éviter la réactivation de l'alcoolo-dépendance. Pour certains, le risque va être important dès le premier verre, alors que d'autres peuvent s'inscrire dans un processus de consommation maîtrisée.


Doctissimo : La réduction de la consommation alcoolique peut donc être une étape du traitement ?
 

Dr Philippe Batel : Effectivement, une réduction de la consommation en cas d'alcoolo-dépendance correspond directement à une réduction du risque pour le patient. Si on peut amener une personne qui boit quotidiennement deux bouteilles d'alcool à ne plus en boire qu'une, on n'est pas dans une situation idéale mais on a réellement réduit ses risques de souffrir d'atteinte hépatique et d'autres problèmes de santé. Cette réduction peut être une étape vers l'abstinence, mais elle est déjà une bataille gagnée contre l'alcool.

Doctissimo : Cela veut-il dire que l'abstinence n'est plus le seul objectif ?

Dr Philippe Batel : Si l'on fait de l'abstinence le seul dogme de la prise en charge, on sait qu'on laisse en chemin des patients pour qui cette logique du "tout ou rien" n'est pas bonne. C'est d'autant plus vrai pour ces patients qui ne boivent pas d'alcool pendant plusieurs jours, mais qui ont une consommation excessive limitée dans le temps.

Aujourd'hui, ce changement de perspective n'est cependant pas unanimement partagé par les professionnels de santé. Une thèse dirigée par le Pr Henri-Jean Aubin de l'hôpital Paul-Brousse (Villejuif) a montré que la moitié des alcoologues sont prêts à y adhérer. Ils sont conscients que cette étape peut aider le patient à reprendre confiance en lui.


Et dans de nombreux cas, il va lui-même demander le passage à une abstinence totale. Pour d'autres (dans une proportion qu'on estime à 20 à 30 %), une prise en charge adéquate leur permettra de conserver sur le long terme une consommation alcoolique réduite. C'est principalement le cas avec une alcoolo-dépendance récente et non installée.

Doctissimo : Des médicaments peuvent-ils aider ces patients à réduire leur consommation ?

Dr Philippe Batel : Aujourd'hui, on peut proposer une prise en charge médicamenteuse qui va les aider à réduire leur consommation, en cas de consommation excessive ponctuelle1. Ce médicament à prendre une demi-heure avant la période à risque est un antagoniste opiacé baptisé namefen. Il est actuellement l'objet d'un essai clinique européen2. Quinze centres y participent en France. Les résultats sont attendus pour décembre 2010, mais on peut déjà noter qu'après 6 mois d'étude, nous n'avons perdu de vue aucun patient. Cela est rare pour des études portant sur l'alcoolo-dépendance et atteste au moins d'une bonne tolérance. Les résultats préliminaires témoignaient d'une bonne efficacité : les patients s'arrêtaient après deux à trois verres alors qu'ils avaient l'habitude d'en boire six.

Doctissimo : Des patients peuvent-ils encore participer à cet essai clinique ?

Dr Philippe Batel : Bien sûr. Cet essai est totalement gratuit. Il suffit de téléphoner au 0805 88 99 00. Quatre questions seront posées par téléphone pour savoir si vous êtes éligible pour cette étude. Si c'est le cas, un technicien vous rappellera pour un entretien d'une vingtaine de minutes avant un ultime rendez-vous médical, qui validera votre participation à cet essai.

Doctissimo : En cas de résultats positifs, cela pourra-t-il changer la prise en charge de l'alcoolo-dépendance ? La rendre plus accessible aux médecins généralistes ?

Dr Philippe Batel : C'est le but ! La prise en charge de ces consommations excessives pourrait être largement facilitée avec un médicament efficace à prendre simplement une demi-heure avant la période à risque. Si on sait qu'on risque de beaucoup boire le vendredi soir, ce médicament permet de prendre les devants. N'ayant plus comme seule option l'abstinence totale, le médecin généraliste peut plus facilement ouvrir le dialogue.

Doctissimo : Que penser du baclofène décrit par le cardiologue Olivier Ameisen comme une option très intéressante contre l'alcoolo-dépendance ?

Dr Philippe Batel : Le baclofène fait actuellement l'objet d'un essai clinique multicentrique, qui devrait débuter en février 2010. Néanmoins, dans ma pratique clinique, j'ai rarement rencontré des expériences aussi spectaculaires que celle décrite dans le livre "Le dernier verre" d'Olivier Ameisen chez les patients qui reçoivent ce médicament. La plupart semblent le tolérer assez mal, près de la moitié des patients l'arrêtent à cause des effets secondaires ou du sentiment d'inefficacité. Mais dans l'attente des résultats du programme hospitalier de recherche clinique (PHRC), on ne peut pas réellement se prononcer sur l'intérêt réel de ce produit prometteur.

Propos recueillis par David Bême, le 25 novembre 2009

1 - D'autres médicaments permettent de réduire la consommation en cas d'alcoolo-dépendance comme l'AOTAL ® mais dans un objectif d'abstinence. D'autres médicaments comme l'ESPERAL ® induisent des nausées en cas d'ingestion d'alcool. Néanmoins avec le temps, une certaine accoutumance peut apparaître et leurs effets s'atténuent.
2 - Ce médicament est développé par les laboratoires danois Lundbeck. Il fait l'objet d'un essai clinique de phase III dans plusieurs centres européens. La phase III correspond à la dernière étape avant la commercialisation. Cette étude repose sur le principe du double aveugle : la moitié des patients enrôlés reçoivent un placebo et l'autre moitié le médicament actif, mais ni le médecin ni le patient ne savent dans quel groupe ils sont. Après 6 mois de suivi, on compare les résultats des deux groupes pour juger de l'efficacité du médicament. Les résultats sont attendus pour décembre 2010.

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L'alcool, cet ennemi destructeur

La drogue qui fait peur, c'est toujours celle de l'étranger. On s'inquiète du cannabis ou de l'héroïne, on oublie les ravages que peut faire l'alcool. Pour les jeunes de tous milieux, c'est de la défonce à pas cher. L’alcoolisme n’est pas une maladie solitaire. Notre société tolère mal l’alcoolémie de la femme. Il en résulte un sentiment de culpabilité très fort qui amène l’isolement ou l’exclusion de la femme dans son milieu familial social et professionnel. Quand une personne sombre, c’est tout l’entourage qui plonge avec elle.

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«La seule limite à notre épanouissement de demain sera nos doutes d’aujourd’hui.»

(Franklin ROOSEVELT)